Histoire de la mode (3) : histoire du Sentier
La 3ème émission d'Emmanuel Laurentin concerne l'histoire du Sentier :
Je dédie cette note à mon arrière-arrière-grand-père R. Côte, qui était marchand de tissu rue du Sentier ;-)
Ce quartier qui est au coeur de la confection a suivi les mutations de l'industrie du vêtement. Au début il était un quartier de tissu et de drap : il semble que la Compagnie des Indes y ait fait commerce (plus ou moins légalement) ; on ne sait pas grand chose du début du XIXème siècle, mais le quartier revient 'à la mode' au début de la confection au XIXème. A cette époque, en France comme aux Etats-Unis, la confection commence avec l'habit masculin et l'habit militaire, lorsqu'on réalise qu'on peut prévoir un certain nombre de tailles fixes sans mesurer systématiquement chaque bénéficiaire. Par ailleurs, avec la machine à coudre, on commence à standardiser les ateliers et la production. En outre, dans la standardisation, les grands magasins jouent aussi un rôle, avec l'augmentation de la demande, qu'ils vont aussi alimenter, et créent aussi leurs propres ateliers.
La confection a toujours fait travailler des femmes et des immigrés... Quoique les lieux de production soient dispersés, la confection a tout de même réussi à fédérer des actions syndicales, comme la grande grève des cousettes (en 1935) ou des casquetiers.
Le quartier a été marqué par les vagues successives d'immigration, d'abord provinciale, les marchands de drap normands, les marchands de tissus alsaciens, mais ensuite étrangère : les juifs de Smyrne et de Salonique arrivés au moment de la guerre des Balkans : ils étaient commerçants, vendaient du tissu et de la bonneterie ; puis ceux d'Europe de l'Est (Russie, Pologne), entrés dans la confection par la fabrication comme bien d'autres immigrés pour les raisons suivantes : ils ne parlaient pas français en arrivant, ils pouvaient travailler chez eux, une machine à coudre leur suffisait. Dans les années 50 ou 60 les juifs d'Afrique du Nord vont modifier le visage du Sentier, car parlant français, (les juifs d'Algérie sont même français), il leur est facile d'ouvrir des boutiques ; avant les années 60, il y avait beaucoup moins de boutiques dans le quartier. Et puis les chinois, les turcs... Bien sûr le quartier subit toutes les anecdotes réelles ou fantasmées sur les ateliers clandestins, que je vous laisse découvrir en écoutant l'émission...
Quoi d'autre sur le Sentier ? Beaucoup de noms égyptiens en référence aux campagnes napoléonniennes d'Egypte, comme la rue d'Aboukir, la rue du Nil, le passage du Caire, qui est le premier passage de Paris, construit pour une clientèle élégante qui refuse de souiller ses effets dans la boue de la rue, et de se promener sous la pluie ; le passage est inspiré des bazars orientaux...
Dernière anecdote, Pierre Aidenbaum, (ancien maire du 3ème arrondissement), qui était le fils d'un casquetier, a fort bien réussi en lançant dans la rue les chapeaux de cinéma, comme le bérêt que l'on voit dans Bonnie and Clyde, puis le feutre mou de Greta Garbo.
Il y avait toujours eu une distinction entre production et fabrication d'une part, et puis commercialisation d'autre part. Pourtant à la fin des années 80, certains ateliers du Sentier vont lancer des chaînes comme Kookai, Promod, Morgan, et surtout Naf-Naf des frères Pariente. Désormais, la vente directe aux détaillants est devenue une activité difficile.
Et pour être complet, il faut rappeler que le Sentier a été aussi le quartier de la presse : l'Humanité, (Jean Jaurès fut assassiné à la sortie), le nouvel Observateur, et bien sûr Elle...