Enquête
Comme il ne faut jamais manquer une occasion de s'instruire, fût-ce dans le sang de ses voisins*, j'ai été enquêter sur la crème des enquêteurs, soit la prestigieuse brigade criminelle de la police judiciaire de Paris.
J'y ai appris en vrac, qu'il y a à peu près une cinquantaine d'homicides par an à Paris (contre 310.000 autres crimes et délits), un millier en France. Le taux d'élucidation est le meilleur de tous les actes de délinquance, et est de 80% en 2003.
On arrive à la brigade criminelle après plusieurs années passées dans la police judiciaire, on n'y prend aucun débutant. On commence 6ème de groupe, et puis on passe 5ème, et ainsi de suite. Chacun a un rôle défini, celui qui constate, pose les scellés, les techniciens de scènes de crimes, ceux qui interrogent le voisinage : j'en déduis donc que j'ai eu la visite du 5ème et du 6ème de groupe.
Autour du corps, on constate en escargot, en s'éloignant progressivement, et en prélevant tout ce qui se trouve autour. Tous sont équipés de bottes, gants, bonnets, pour ne pas laisser d'empreintes génétiques. Lorsqu'il y a une arme, le criminel l'emporte le plus souvent, mais s'en débarrasse rapidement pour ne pas être saisi avec, aussi on fouille immédiatement poubelles, vide ordures et égouts.
Dans 9 cas sur 10, il existe un lien entre la victime et l'auteur du crime, aussi l'enquête est-elle toujours une enquête sur la victime. Plus l'auteur se donne du mal pour rendre la victime non-identifiable, et plus elle est proche : il faut parfois des mois et des mois pour identifier la victime, quelques heures pour arrêter le criminel une fois l'identification faite.
Lorsqu'il n'y a pas de lien, dans le cas d'un tueur en série, par exemple, l'enquête sur la victime ne sert à rien, mais on va chercher les points communs entre les victimes, (la même piscine ? le même livreur de pizza ?) et on resserre l'enquête sur le point commun.
Ce qui revient parfois à attendre un autre homicide ; dans le cas des crimes sexuels, le coupable recommence toujours. Le temps joue toujours contre l'auteur du crime. C'est éprouvant pour les équipes, aussi l'enquête doit-elle toujours rester celle du groupe, et non pas une enquête personnelle : un autre homicide, de nouveaux indices, mais un sentiment d'impuissance et d'échec à l'avoir empêché.
Dans le cas de Guy Georges, on a recherché des viols avec couteau : on a épluché des milliers de cas de violence avec couteau pour éliminer tous ceux ne pouvaient pas avoir commis les faits.
Lorsque vient le moment de procéder à une arrestation, il faut de préférence une surprise, un surnombre, et beaucoup de rapidité pour moins de violence. Et puis la PJ dispose de 48h de garde à vue pour interroger le suspect. C'est alors qu'il faut créer une sorte d'intimité avec le suspect, parce que souvent, l'aveu soulage celui qui le fait : si un lien ne se crée pas avec l'enquêteur on envoie un deuxième, puis un troisième. On en cherche un qui parle plus facilement à telle ou telle sorte de personne. C'est souvent aux heures avancées de la nuit qu'on obtient le plus d'aveux.
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PS : Pour ceux qui sont intéressés par les débuts de la police scientifique, je recommande vivement l'Aliéniste, de Caleb Carr. Un roman policier aussi haletant que documenté sur les débuts des analyses scientifiques aussi bien que de la psychiatrie dans l'enquête criminelle.
* c'est une expression, il n'y a pas eu de sang.