C'était mieux avant ???

Curieusement, notre siècle n'a pas l'exclusivité de toutes les nostalgies : je poursuis ma lecture des mémoires d'outre tombe (tome 3), saisie malgré moi, car je n'ai jamais eu de goût pour les écrivains du 19ème siècle.

Chateaubriand est l'esprit le plus exalté et le plus nostalgique à la fois : la superposition de trois époques différentes ajoute beaucoup à cette nostalgie : le vieux diplomate raconte les voyages de l'homme d'âge mûr qui vivait son siècle sur les ruines de sa jeunesse ou de l'ancien monde. Je suis fascinée par cette propension de certains esprits à ne s'exprimer que dans le regret : curieusement, Chateaubriand aspirait aussi à refonder le monde, mais cette aspiration s'exprime presque en filigrane face aux deuils et aux regrets dont il s'entoure en trichotant au passage avec les vérités historiques : ainsi de ses regrets tragiques de la languissante Mme de Beaumont, qu'il avait pourtant, au moment de sa mort, délaissée depuis plus de trois ans pour Mme de Custine.

Dieu merci, Chateaubriand est pudique : pour avoir un égo certain, il n'est pas égocentrique ; s'il se laisse aller parfois à raconter les faveurs et les succès, son influence, avec une fatuité charmante, il parle surtout des autres et sa peinture de l'ambiance politique et des salons du début du XIXème est très prenante.

On apprend au passage que le goût des people ne date pas d'aujourd'hui : l'écrivain se plaint que ses sévères correspondances diplomatiques n'ont pas tout le succès qu'elles méritent, habitués qu'étaient les monarques aux récits des intrigues de cour et non aux analyses politiques. On y apprend encore que la réputation de la saleté des français avait déjà cours en 1800, et que cette saleté choque l'exilé de retour de Londres.