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La Boîte de Pandore
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2 septembre 2007

Anapeste ? épichorale ?

Cet été j’ai été soudainement prise de nostalgie grecque. Les plus clairvoyants d’entre vous noteront comme je suis progressiste, car sauter de l'homme de néandertal à Eschyle représente un progrès de près de 27.500 ans. J’ai donc résolu de faire connaissance avec la tragédie, qui m’avait laissée perplexe à ma dernière tentative.

Pour me consoler de ma perplexité, je ne pouvais pas faire meilleur choix, je crois, que l’ouvrage d’Ulrich von Wilamowitz-Moellendorf, Qu’est-ce qu’une tragédie attique ? Introduction à la tragédie grecque, qui commence à peu de choses près en ces termes :

« Or, chacun découvre dans chaque pièce des éléments qu’il juge inappropriés, mais que pourtant le poète a agencés ici en toute clairvoyance : il les considérait donc, quant à lui, soit comme relevant d’un degré d’accomplissement supérieur, soit comme quelque chose de vraiment indispensable à son art. Dans le drame attique, la présence du chœur va souvent à l’encontre de l’intérêt de l’action ; chez Caldéron, les apartés interminables des personnages lassent aussi sûrement que ses descriptions, tout aussi interminables ; dans Cinna, l’unité de lieu a un effet insipide, chez Shakespeare, ce sont les clowns, et chez Schiller, les couples amoureux…

Si bien que l’honnêteté exige de nous l’aveu que, certes, les poètes ont cru accomplir leur tâche au moyen de ces éléments, mais que en vérité, ils l’accomplissent en dépit de ces mêmes éléments. Ils ont donc moins bien compris leur tâche que nous ne le faisons, ce qui finalement est une confirmation, assez flatteuse pour l’estime de soi, du fait que nous sommes passés maître dans cet art. »

Comme vous le voyez, le lecteur est d’emblée mis en confiance : quoi ! ? il est donc permis de bailler impatiemment en lisant les chefs d’œuvres classiques ? je ferai prochainement une série de notes vengeresses sur Balzac et Stendahl.

C’est un bien curieux livre que cette introduction à la tragédie grecque, qui ne mérite pas vraiment son titre d’introduction, je tiens à le dire. La première partie est pour le moins ésotérique, remplie de citations interminables non traduites, et de phrases telles que « il maîtrisait en outre, une large palette de mètres ioniens (iambes, trochées, péans, vers ioniques) et avait commencé à former, par analogie, un certain type d’épichorale (en anapestes). », ou bien « un chant populaire chalcidien montre les formes caractéristiques des dactylo-épitrites stésichoriens », que seuls Aimé Césaire et Castor Junior pourraient dire sans être pris d’un ricanement nerveux.

La seconde moitié de l’œuvre est singulièrement lyrique pour un essai de philologue ; je vous livre ce que j’en ai compris :

La tragédie viendrait du dithyrambe, un chant qui comprend un chœur et un récitant, donné lors des fêtes en l’honneur de Dionysos. Eschyle nous indique curieusement que le chœur de satyres était composé de boucs, alors que si les satyres étaient à moitié animaux, cette moitié provenait plutôt du cheval. Ce passage du cheval au bouc me semble douteux, mais probablement du fait d’une vision ambitieuse de l’équinité, que ni Wilamowitz-Moellendorff ni Eschyle ne partagent.

Bref, le chœur est désormais composé de satyres-boucs à qui Eschyle fera chanter les légendes héroïques, puis il a l’idée de génie de rajouter un acteur au récitant, ce qui lui permet d’inventer le dialogue. C’est ainsi que la tragédie prend ses deux dimensions dramatiques et tragiques, car avec le dialogue, l'action héroïque peut se dérouler sous les yeux des spectateurs, au lieu d'être racontée.

Sophocle et Euripide auront beau rivaliser de sarcasmes mesquins à son égard (Sophocle dira même que Eschyle faisait de bonnes choses, mais par hasard et sans le faire exprès), ils lui emboîtèrent résolument le pas (ou le iambe).

Ulrich, que nous appellerons désormais Ulrich en raison de ma paresse estivale à faire ne serait-ce que du copier coller de noms interminables, observe finement que « Le romantisme, qui ressent et comprend profondément ce que le rationalisme a toujours préféré nier et détruire, reste prisonnier du deuil et de la nostalgie du paradis perdu, dont il sent la beauté, et qu’il n’est plus possible de pénétrer autrement qu’en rêve. Ce n’est pas la bonne voie. La poésie et la légende, mère de la poésie, sont bien vivantes."

"Welcker l’a montré : Aussi sûrement que la poésie est la langue maternelle du genre humain et qu’elle est de ce fait naturellement compréhensible par tout un chacun, la légende est la forme naturelle de l’ historiê du genre humain, et de la philosophia, compréhensible par n’importe quel enfant. […] La légende […] rassemble avant tout la mémoire historique vivante d’un peuple. […] Seul ce qui est ressenti comme ayant encore une signification pour le présent continue vraiment de vivre. »

Instruire et rendre meilleur, telle était la mission du poète en ce Vème siècle fiévreux à Athènes...

J'en vois qui dorment au fond de la classe ?? La prochaine fois, je vous parlerai du rôle des phallophores lors des fêtes orgiaques de Dionysos.

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Commentaires
P
Ah ne sois pas désolé, c'est parfait, je vais pouvoir mettre 2 h de clash sur mon ipod, c'est le bonheur !!
D
Dsl, ça a mis un peu de temps (souci de configuration).
P
Tu es mon bienfaiteur...
D
J'essaie de voir ce que je peux faire pour toi (j't'envoie un mail, quoi).
P
Danton > et de petits péans fourchus. <br /> <br /> Dites donc, messire Danton, n'auriez vous pas je vous prie, un best of des clash sous le même format que vous me fournîtes jadis Amy Winehouse ? vous en auriez ma reconnaissance éternelle. <br /> <br /> Patrick > Bon, d'accord, Patrick, je vais attendre la semaine prochaine alors, pour que ça ne fasse pas trop pour toi. Je ferai une note sur la marquise de Sévigné à la place.
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