Rue Santa Fé

Ils sont jeunes, beaux, intelligents, communistes et révolutionnaires* ; ils accompagnent l'élection de Salvador Allende avec espoir, ne peuvent empêcher sa mort en 1973, passent à la clandestinité. Pendant 10 mois ils vivent rue Santa Fé à Santiago le bonheur des intimités intellectuelles, affectives et politiques, des projets d'avenir et de partage, de la foi qui ne voit pas les montagnes, et huit mois de grossesse de leur fils. Le 5 octobre 1974, la police trouve leur planque, y lance des grenades qui blessent grièvement Carmen. Miguel meurt dans la fusillade.

C'est la fin du bonheur mais ce n'est qu'une étape de la lutte car le MIR (le Parti clandestin) n'a été dissous qu'en 1989, un an avant la fin de la dictature.

J'ai trouvé le film de Carmen Castillo remarquable et bouleversant. Pour la pudeur d'abord, par exemple celle de cette femme qui nous épargne le récit des tortures et qui préfère dire comme c'est bizzarrement plus facile de parler des tortures que de la force qu'on trouve au fond de soi pour y survivre chaque jour.

Pour plein d'autres choses mais surtout pour son honnêteté intellectuelle : elle ne cache rien de ses contradictions, de ses erreurs, de son cheminement. Le MIR est la famille de ses militants, l'individu se dissout dans le collectif, et les mots "sacrifice", "dons de soi" prennent tout leur sens dans ce contexte.

Mais elle n'hésite pas à montrer aussi comme l'individu avec ses deuils à faire, ses espoirs et ses ambitions, voudrait façonner l'action collective, en croyant qu'il sert les autres. Ses parents et ses compañons ne prennent pas de gants pour critiquer ses démarches, Carmen montre tout ; on ressort de ce film, avec elle, avec plus de doutes que de certitudes, plus de questions que de réponses sur l'action révolutionnaire. Mais sûrement plus près de la vérité.

* et moustachus.

Comments

[pandore]

Bientôt je vous mets la rue santa fé sur dismoiou et la carte qui va bien :-))