La nuit nous appartient
J'ai vu le film de James Gray : la critique est quasi unanime avec ce polar thriller, et je ne vais pas démentir leurs compliments sur le caractère prenant du film (un euphémisme, et pourtant je n'ai pas eu l'impression d'effets faciles, c'est assez sobre), certaines scènes spectaculaires, l'intelligence de certains mythes revisités, et aussi sur la direction d'acteurs.
Parler de mythes shakespearien, bibliques ou antiques, le bon et le mauvais fils, tout ça, c'est une façon enthousiaste de dire que faire un portrait nuancé n'est pas dans le propos de l'auteur, mais ça n'enlève rien à la qualité du film. On y retrouve aussi le thème de la rédemption si cher aux américains.
Moi ce qui me chagrine, ce sont deux autres thèmes qu'on retrouve de plus en plus dans les films de ces dernières années : la première c'est "soit tu es avec nous, soit tu es contre nous" : amplement justifiée pour ce qui est de la drogue dans la suite du film, cette petite phrase a tout de même des relents de guerre en Irak un peu péremptoires...
La seconde, c'est la propension décidée de nombreux films à justifier la vengeance, et c'est d'autant plus choquant dans un film sur les flics comme celui-ci. Les cinéastes manipulent le spectateur, ils lui présentent une situation tellement absolue : le méchant s'attaque à vos enfants, vos frères votre père, cqfd : vous êtes absolument légitime à le tuer. Et voilà, tout le monde peut se faire justice à lui même. Mais l'intime conviction de quelqu'un ce n'est pas un procès équitable ni des preuves. La conviction de détenir la Vérité n'autorise pas à tout, ni à tuer, ni à fabriquer des preuves... Je trouve que c'est une idée absolument dangereuse.
Et il y a plus pernicieux encore, (ce n'est pas propre à ce film), c'est l'idée que la loi est dangereuse parce qu'elle protège trop les criminels et qu'elle empêche le bon citoyen de protéger sa famille. En l'occurrence, devant le policier qui se scandalise parce que le détenu dangereux qu'il est venu chercher est déjà parti à l'hôpital parce qu'il n'était pas bien, le type du personnel pénitentiaire répond d'un air provocateur : "it's the Law".